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Pollution lumineuse et pollinisation : quand la lumière est une cause d’extinction

Les pollinisateurs, ces animaux qui permettent le transfert des grains de pollen d’une fleur vers le pistil d’une autre fleur de la même espèce, sont aujourd’hui connus et souvent mis en avant pour leur importance écologique et économique. Et pourtant, malgré cette importante mise en lumière, il existe encore des pollinisateurs qui restent dans l’ombre.

Si on associe généralement la pollinisation aux abeilles, aux papillons et aux syrphes (même s’il existe d’autres groupes de pollinisateurs), on l’associe également à la journée et au soleil.
 

Lumos Maxima !  

Des études récentes, de plus en plus nombreuses, montrent cependant l’importance de la pollinisation nocturne. Certaines plantes sont d’ailleurs particulièrement adaptées à ces pollinisateurs de l’ombre, rendant les pollinisateurs nocturnes plus efficaces que les pollinisateurs diurnes (qui opèrent le jour).

Qui sont ces pollinisateurs ?  

Dans nos régions, il s’agit essentiellement de papillons de nuit qui sont d’ailleurs bien plus nombreux que les papillons de jour. Les lucioles qui se nourrissent de pollen peuvent également jouer ce rôle. Dans d’autres régions, on pourra aussi citer des chauve-souris, des abeilles et même des lézards et des souris ! 

Quelles sont les conséquences de la pollution lumineuse sur les pollinisateurs ? 

Artificial light at night as a new threat to pollination (la lumière artificielle nocturne comme nouvelle menace pour la pollinisation). Tel est le titre d’un article paru dans la revue Nature en 2017 (Knop et al., 2017).

La pollution lumineuse est la pollution engendrée par l’éclairage artificiel nocturne. Elle perturbe nos précieux pollinisateurs et a donc un impact sur la pollinisation. Pour mettre un chiffre sur ces perturbations, on estime que, dans les lieux éclairés pendant la nuit, la pollinisation nocturne diminue d’environ 60%, ce qui impacte la production de fruits malgré la présence des pollinisateurs diurnes. Il apparait même que ces effets négatifs se répercutent sur les communautés de pollinisateurs diurnes. Au-delà de la pollinisation, c’est le réseau de pollinisation (ensemble des interactions entre les plantes et les pollinisateurs) qui est perturbé.  

Il a été montré dans plusieurs études que la lumière nocturne artificielle (LAN) a de nombreux effets sur les organismes et sur les populations. Les insectes pollinisateurs vont par exemple être attirés par les lampadaires, ce qui peut entrainer une mort par épuisement, brulure ou prédation. Si nous avons tous en têtes les papillons de nuits qui tournent autour d’une lampe, l’attraction par la lumière a également été montrée chez les abeilles nocturnes (principalement présentes en Amérique du Sud). En plus de risquer la mort, le temps que ces animaux passent en étant attirés par les lampadaires est autant de temps qu’ils ne passent pas sur les fleurs.

Photo : Axel Drainville

Les lucioles, quant à elles, sont affectées dans le processus de reconnaissance d’un partenaire sexuel, et donc dans la reproduction. Les environnements très lumineux pendant la nuit empêchent les mâles de repérer les femelles.

Tous les animaux ne sont pas attirés par la lumière. Par exemple, certains rongeurs et chauve-souris sont lucifuges (qui fuient la lumière). Une route éclairée peut donc créer une barrière infranchissable pour ces espèces et engendrer une fragmentation de leur habitat. Les problèmes liés à la fragmentation de l’habitat sont nombreux. On peut par exemple citer des difficultés pour trouver un partenaire sexuel, pour trouver de la nourriture variée ou pour nidifier.

Tous ces effets contribuent à la diminution des populations de ces animaux, augmentant ainsi le déclin global de la biodiversité.  

Les plantes sont elles aussi affectées par les LAN car ces dernières perturbent leur rythme circadien. Bien que les preuves soient encore maigres, certains scientifiques supposent que des telles perturbations peuvent modifier les traits floraux comme la production de pollen, de nectar ou même d’odeurs, ce qui pourrait réduire leur attractivité pour les pollinisateurs et expliquer les effets négatifs constatés chez les pollinisateurs diurnes.
De plus, les odeurs sont des signaux importants pour les pollinisateurs nocturnes et des études montrent que la pollution de l’air (plus particulièrement les oxydes d’azote) peut aussi perturber l’odorat des papillons de nuit et potentiellement celui des autres insectes nocturnes. On comprend dès lors l’importance de réduire au maximum toutes les sources de pollution.

 

Que pouvons-nous faire?

Nous pouvons diminuer la pollution lumineuse grâce à des gestes simples et en changeant certaines de nos habitudes.

Privilégions le sort « Lumos minima » et limitons les lampes décoratives orientées vers le haut. Bien que jolies et mettant en valeurs nos jardins, ces lampes n’ont qu’une utilité esthétique qui n’est pas compatible avec les pollinisateurs nocturnes.

Des compromis sont toutefois possibles en respectant quelques recommandations. Il est important de privilégier des lampes dans le jaune-orange qui ne dépassent pas les 2700K.

Il est également important que le flux lumineux ne dépasse pas l’horizon. De plus, s’il est normal de vouloir profiter de son jardin en soirée, l’éclairage perd tout son sens lorsque nous dormons. Éteignons donc complètement nos lampes décoratives à partir d’une certaine heure.

Le couvert végétal avec de grands arbres semble être profitable pour diminuer les effets de la pollution lumineuse nocturne. Il est donc essentiel de donner plus de place aux arbres et de soutenir les actions de végétalisation des espaces verts.

Un article de Pierre-Laurent Zerck, conseiller technique pour les professionnels.

En savoir plus sur l'impact de la pollution lumineuse

Références

Cordero et al. (2021) Nocturnal Bees as Crop Pollinators. Agronomy 2021, 11, 1014. https://doi.org/10.3390/agronomy11051014 

Giavi et al. (2021). Impact of artificial light at night on diurnal plant-pollinator interactions. Nature communication (2021)12:1690 https://doi.org/10.1038/s41467-021-22011-8 www.nature.com/communications 

Kervyn T. et al. (2024). Vade-mecum pour la prise en compte de la biodiversité́ dans les projets d’éclairage public. SPW ARNE – DEMNA. 27 p. 

Knop et al. (2017). Artificial light at night as a new threat to pollination. Nature 2017, 548 (7666), pp.206-209. 10.1038/nature23288. Hal-03947729

Rodrigo-Comino et al. (2023). Light pollution: A review of the scientific literature. The Anthropocene Review, 10(2), 367-392. https://doi.org/10.1177/20530196211051209 

Straka et al. (2021). Light pollution impairs urban nocturnal pollinators but less so in areas with high tree cover. Science of the Total Environment 778 (2021) 146244 

Walker et al. Review Light pollution and Cancer. (2020) Int. J. Mol. Sci. 2020, 21, 9360; doi: 10.3390/ijms21249360

Pollution lumineuse. Préserver l’environnement nocturne pour la biodiversité (2021) Administration de la nature et des forêts, Service de la nature du Luxembourg.

Impacts environnementaux de la pollution lumineuse. ASCEN asbl Association pour la Sauvegarde du Ciel et de l’Environnement Nocturne